Spéculations à propos des trous noirs

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Censure cosmique et multi-univers

Au centre des trous noirs

Une question interpelle l'ensemble des physiciens s'intéressant aux trous noirs depuis Schwarzschild : A quoi peut ressembler le centre d'un trou noir ? L'application directe de la Relativité Générale montre que la masse et l'énergie énormes accumulées au centre du trou noir déforment l'espace-temps vers un état de courbure qui tend vers l'infini. L'espace-temps en serait réduit à une singularité spatio-temporelle où les distances n'existent plus et où le temps touche à sa fin.

Mais à cette échelle ultramicroscopique, la Relativité Générale n'est plus applicable en raison des infinis qu'elle fait apparaître. On est manifestement passé dans le domaine quantique... Cependant, c'est bien la gravitation qui domine et impose ses lois à l'espace-temps. Il faut donc considérer une théorie quantique de la gravitation pour envisager de comprendre la singularité. Bien des physiciens - Einstein y a passé sa vie - ont échoué à réconcilier la Relativité Générale et la Mécanique Quantique. La seule approche qui reste candidate à cette unification est la Théorie des Cordes, aujourd'hui bien accueillie par la communauté scientifique.

Selon la Théorie des Cordes, l'espace ne peut être réduit indéfiniment. Il existe une limite égale à la longueur de Planck (10-33 cm) qui ne peut pas être franchie. On éviterait ainsi l'agitation quantique frénétique qui interviendrait à plus petite échelle, rendant tout calcul aberrant. Mais cette théorie est encore incomplète et bien incapable de décrire précisément ce qui se passe au centre des trous noirs. Toutefois, elle établit un parallèle entre les trous noirs et des particules élémentaires appelées branes. Ceux-ci étant totalement caractérisés par leur masse, leur charge et leur moment cinétique, il s'agirait alors d'une forme de super particule.

Mais l'Univers ne nous donnera jamais accès directement à l'observation d'une singularité. Comme nous l'avons vu, chaque trou noir est entouré d'un horizon des évènements qui constitue un écran infaillible entre l'observateur et la singularité. Il ne laisse rien transparaître de ce qui se passe à l'intérieur et nul ne pourrait y pénétrer et en ressortir pour décrire ce qu'il a vu. On pourrait imaginer des trous noirs en rotation si rapide que les forces centrifuges en viennent à déchirer cet horizon. Mais là encore, l'Univers offre une protection à la singularité : Rien ne pouvant se déplacer plus vite que la lumière, la surface représentant l'horizon est aussi soumise à cette contrainte et aucun trou noir ne pourrait avoir un moment cinétique suffisant pour amener son horizon jusqu'à la vitesse de la lumière.

Pour résumer cette impossibilité d'observer une singularité 'nue', Roger Penrose a introduit la notion de censure cosmique visant à isoler et protéger le reste de l'Univers des phénomènes extrêmes et inquiétants qui se déroulent au cœur des trous noirs.

Sur cette représentation, au centre de ce tourbillon de gaz incandescent en rotation si rapide que les atomes surexcités émettent des rayons X, se trouve un monstre qui ne sera probablement jamais vu directement: un trou noir.

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Vers d'autres univers

Pour la plupart des physiciens, il ne se passe rien d'autre que l'annihilation de la matière par une singularité spatio-temporelle dont nous ne connaissons pratiquement rien. Certains chercheurs ont toutefois émis l'hypothèse que le centre d'un trou noir pourrait être le point de passage vers d'autres univers. Là où le l'espace et temps s'annulent dans notre Univers, ils pourraient ressurgir ailleurs. D'autres envisagent la singularité d'un trou noir comme le point de naissance d'un autre univers, gouverné par une autre physique, et qui resterait à jamais isolé du nôtre par l'horizon des évènements. Comment pourrions-nous affirmer que nous ne vivons pas - nous-mêmes - à l'intérieur d'un énorme trou noir, sans interaction physique avec notre Univers ?

D'abord, on ne peut pas valablement qualifier notre Univers d'infini. Il est seulement très grand, à notre échelle spatio-temporelle. Stephen Hawking le considère fini mais sans bords. Difficile de se faire une idée de ce que cela peut représenter. Andrei Linde imagine autour de notre Univers, d'autres manifestations spatio-temporelles similaires, bien que déconnectées. Des univers-bulles assez éloignés dans le temps et dans l'espace pour ne pas interférer, qui donneraient à leur tour naissance à d'autres univers. Une sorte de fourmillement quantique d'univers.

L'existence d'autres univers est-elle une hypothèse scientifique sérieuse ? C'est une question à laquelle il est bien difficile de répondre. D'abord, il faut admettre que si d'autres univers existent, il ne nous sera probablement jamais possible de le vérifier expérimentalement, de le prouver. Ils ne peuvent exister, pour nous, habitants de l'Univers, que dans notre pensée, dans des systèmes d'équations abstraites. Car dans sa définition, notre Univers est unique, total, exclusif de tout autre monde perceptible.

L'Univers est décrit, dans la Relativité Générale, par un système d'équations à quatre dimensions appelé espace-temps. Mais la Théorie des Cordes implique des espaces de dimensions bien plus nombreuses (10, 11, voire 26). D'où vient cet écart ? Comment les cordes peuvent-elles évoluer dans 26 dimensions si l'Univers n'en comporte que quatre ? Les cordistes affirment que seules trois dimensions spatiales ont une extension différente de la longueur de Plank, les autres étant restées enroulées sur elles-mêmes en chaque point de l'espace-temps quadri-dimentionnel.

Voyons comment certains concepts de la Théorie des Cordes permettraient d'élaborer un scénario - hautement spéculatif - d'un multi-univers. Il nous faut considérer qu'à l'origine (avant un Big-Bang), toutes les dimensions d'une 'graine d'univers' étaient également enroulées sur elles-mêmes à l'échelle de Plank. Une perturbation quantique a provoqué sur certaines d'entre-elles une expansion. Le nombre et la nature des dimensions qui nous sont familières ne sont pas dus au hasard car les cordistes ont montré que dans un espace multidimensionnel en expansion, il était logique que seules trois dimensions spatiales et une temporelle puissent se développer. En chaque point de cet espace subsistent donc les dimensions qui sont restées enroulées.

La configuration géométrique de ces dimensions enroulées détermine précisément les lois physiques de cet univers que l'on envisage. Il existe une multiplicité de configurations différentes possibles, susceptibles de donner naissance à autant de physiques différentes. Une seule permet de caractériser précisément notre Univers.

On remarque donc que non seulement, les dimensions sélectionnées par l'expansion, mais aussi la configuration géométrique de celles qui restent enroulées interviennent dans la description d'un univers. Une 'graine d'univers' ou zéro-brane pourrait ainsi donner naissance à un nombre incalculable d'univers différents. Peut-on affirmer que cette 'graine' soit unique ? Un trou noir ne parvient-il pas à ré-enrouler notre l'espace-temps pour reformer une 'graine' d'espace-temps ? Pourrait-on identifier la singularité d'un trou noir dans notre Univers à une zéro-brane qui nous restera à jamais inaccessible par l'arrêt de l'écoulement du temps dans notre système de coordonnées ? La censure cosmique trouve ici toute sa puissance...

Bien qu'ahurissant, ce raisonnement nous laisse envisager qu'il puisse exister de nombreux univers différents, issus d'une part, de 'graines originelles' différentes et d'autre part, de nouvelles 'graines' créées par les univers eux-mêmes. Cette dernière perspective est la plus étonnante car il faudrait admettre que d'une coordonnée précise de notre espace-temps puisse surgir un autre univers, sans même que nous le percevions, dont les dimensions étendues ne seraient pas les mêmes, dont la physique serait différente et dans lequel les dimensions privilégiées de notre Univers seraient enroulées à l'échelle de Plank. Nous pourrions ainsi baigner dans une multitude d'univers imperceptibles et différents du nôtre.

Notre connaissance du Tout imposerait alors de construire une théorie de la relativité universelle. Comment, en effet, peut-on concevoir que la même dimension soit à la fois étendue et enroulée, que le contenant soit aussi le contenu, que ces univers soient à la fois joints et disjoints ?

Représentation d'artiste d'une image en rayons X montrant un trou noir massif en rotation rapide entouré de son disque d'accrétion. Un champ magnétique puissant transfère l'énergie de rotation du trou noir au gaz environnant et semble faire jaillir la lumière d'un puit gravitationnel profond.

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